Après ces attaques, devant nous, une exigence de travail et d’intelligence

Une vision plus large
« La peur va changer de camp ! ». J’ai déjà entendu cela de Pasqua, puis de Sarkozy. Quelques opérations de police, beaucoup de bruit médiatique et pschitt ! Plus rien ! Charlie hebdo, le bataclan, l’hyper casher. Des discours musclés à la pelle, beaucoup de commémorations, de marches blanches, de fleurs, les politiques et les médias qui s’enflamment sur l’unité nationale retrouvée, certains qui embrassent les flics. Puis … pschitt !! Plus rien. Rien n’émerge. Aucune analyse, aucune réflexion. Aucune action de fond. Les politiques reviennent à leur préoccupations du moment. Les journalistes aux faits divers.
Y croire cette fois ? Pourquoi pas ? Il faut dire que le choc est peut-être encore plus violent que les fois d’avant. La symbolique d’un homme décapité… Nous avons franchit plusieurs marches dans l’horreur et la sauvagerie. Cela va-t-il suffire pour que la société française réagisse ?Pour que ceux qui fabriquent l’opinion – les hommes politiques, mais aussi les journalistes, les artistes, les écrivains, les hauts fonctionnaires, les intellectuels – changent leur regard sur l’état de la société et osent voir les problèmes qui existent, une fois passé le périphérique parisien…
Avant ce dernier drame, certains ne parlaient que de répression. Les autres en face que de prévention.
Les deux sont nécessaires. Il y a des règles et la punition pour ceux qui ne les respectent pas, comme il y a des droits et aussi, en balance, des devoirs.
Après ce choc, ce traumatisme, le discours aujourd’hui c’est la répression. Tout ce beau monde bascule dans un discours exclusivement punitif …Un peu de mesure et de calme seraient bienvenus sur les plateaux télés. Ne soyons pas toujours dans l’excès…
Oui, il faut absolument que les règles de notre société s’appliquent partout. C’est tellement évident qu’il est incompréhensible qu’il y ait un débat là dessus. Cela ne va pas être simple de faire respecter la loi sur tout le territoire, à tout heure du jour et de la nuit. Mais c’est un enjeu. C’est un défi que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas réussir.
Et pour le réussir, il faut prendre à bras le corps un autre enjeu, un autre défi, encore plus grand : ramener dans le bercail tous ces compatriotes qui se sont perdus. Pour rester une « collectivité », un peuple qui partage un même destin, une famille qui a décidé de vivre dans une même maison, nous devons ramener dans la collectivité chacun de ces membres.
Nous ne pourrons définir et mettre en place des solutions que si, enfin, les français réapprennent à s’écouter, à se respecter, à admettre les points de vues différents comme une chance de s’enrichir mutuellement. Personne n’a LA solution dans son coin. Nous la construirons en y travaillant ensemble.
Reconnaissance, éducation, respect, exigence, acceptation de l’autre, … Nous avons tellement laissé se détériorer la situation qu’on ne sait plus par quel bout prendre le problème. Essayons de commencer.
La première action à mener, peut-être symboliquement la plus importante, est de dire à tous les français qu’ils sont tous accueillis dans la communauté, quelque soit leur origine, leur race. Il n’est pas aisé de s’intégrer dans une société si elle vous rejette et fait preuve de racisme à votre égard. Il y a eu et il y a toujours beaucoup trop de racisme dans la société française. Déjà il y a 50 ans envers les Espagnols, puis les Italiens, les Portugais. Et cela a continué avec les Tunisiens, Marocains, les Algériens, les Africains …
Les premiers ont réussi à s’intégrer peut-être parce que leur culture d’origine était plus proche de la notre. Mais sûrement, surtout, parce la société française d’une part était plus exigeante quant au respect de ce qu’elle est, et d’autre part était plus capable d’intégrer, de donner à ces immigrés la chance d’avoir un travail, de progresser socialement. On trouvait un travail et un logement en France dans les années soixante même avec un nom espagnol. Ce n’est pas le cas ou tout au moins c’est difficile dans la France des années 80 et jusqu’à aujourd’hui si on porte un nom marocain, tunisien ou d’un pays d’Afrique noire.
Il y a 30 ou 35 ans, je m’interrogeais. Quelles vont être les conséquences de ce racisme ambiant, de ce rejet de toutes ces populations? Nous avons la réponse aujourd’hui.
Ces populations se sont regroupées, ont construit une société à part. Se sont rabattues sur leur identité propre car ne se diluant pas dans la société française. Pour faire la part des choses, on peut s’interroger sur leur propre responsabilité. Elles n’ont sûrement pas fait tous les efforts nécessaires pour s’intégrer à la société française. Du fait de l’écart avec leur culture d’origine ? Je ne sais pas. Du fait sans aucun doute que la société française, une partie en tout cas, ses médias, ses élites, ses influents leur renvoyait qu’il était tout à fait légitime de revendiquer sa différence, que c’était même un droit, légitime de ne pas changer un iota ce qu’ils étaient.

Première tâche : Clarifier nos valeurs , quel est le ciment de notre collectivité ? Clarifier nos droits et nos devoirs.
La différence est une richesse, oui, mais tant qu’elle n’empêche pas un ciment d’exister entre tous les membres d’une collectivité. S’il n’y a plus de ciment, l’édifice s’écroule.
Nous n’avons pas su identifier la limite entre un apport extérieur qui enrichit et ce qui n’est pas tolérable car contraire à nos valeurs.
C’est une tache immense qui est devant nous.
Pour me faire comprendre : la société française s’enrichit par exemple de pratiques culinaires, de types musicaux venus d’Afrique, mais se perdrait si elle tolérait la pratique du mariage forcé. Tant que nous sommes dans les extrêmes, la réponse est claire, quand on va vers le milieu, c’est plus compliqué … Alors, prenons le taureau par les cornes et commençons, ensemble, ce travail.
Il est indispensable ensuite de bien définir les droits et les devoirs d’un citoyen français. On ne parle plus que de droits aujourd’hui, mais chaque citoyen a des devoirs. Est ce si difficile à admettre ? Le devoir de respecter la loi, c’est une évidence, le devoir de respecter l’autre, le devoir d’accepter qu’il ne pense pas pareil que nous, le devoir d’accepter que la limite de notre liberté s’arrête là où commence celle de l’autre. J’ai le droit d’écouter toutes les musiques que je veux chez moi mais l’autre a le droit de pouvoir dormir. J’ai le droit de dire que je ne suis pas satisfait mais j’ai le devoir de le faire en respectant l’autre.

Deuxième tâche : Éduquer
Éduquer les enfants, bien sûr et pour cela, il y a, après la famille, l’école. Ah, l’école ! Vaste sujet ! Je ne dirai qu’un chose : une fois que la société s’est mise d’accord sur ce que l’on doit y enseigner, alors rien n’est négociable. Pour se mettre d’accord sur ce qu’il faut y enseigner, il faudra avoir mené au bout la première tache.
Le contenu des programmes d’histoire doit être conçu avec le souci de donner à l’enfant plusieurs regards. Éviter les simplifications ou les discours partisans qui faussent la compréhension des mouvements historiques, fuir « l’air du temps » et les modes, fuir les extrêmes. Avoir le souci de lui montrer les diverses facettes d’une situation, lui apprendre que dans la vie, ce n’est pas tout, tout blanc, comme dans le monde de Disney. Ainsi nous formerons des citoyens capables de réfléchir de leur propre chef et de se faire leur propre opinion. Une vraie opinion et non pas répéter ce qu’a dit la télé.
Il est indispensable que l’école soit efficace et les méthodes de travail doivent être décidées au regard de leur efficacité. Nous avons le devoir de corriger une école qui laisse sur le bas côté trop enfants. Si les enfants ne suivent pas, il faut changer les méthodes. Ils n’auront alors pas besoin de cours de soutien puisqu’ils assimileront la leçon en classe.
L’efficacité de l’école est un enjeu pour une société qui veut, le plus possible, l’égalité des chances. L’école doit permettre à un enfant d’un milieu social pauvre de réussir, qu’il vienne du fin fond de la campagne française ou qu’il soit issu de l’immigration. Et il faudra que la société ensuite permette l’ascension sociale pour ceux qui ont réussi à l’école, et donc leur donne, comme à tous français, un travail.
Égalité des chances le plus possible et ce sera déjà beaucoup. Ne demandons pas l’impossible à l’école. Il faudra l’intervention d’autres structures pour effacer les différences sociales.
Et cela nous amène aux parents. Des parents non éduqués ou non intégrés, ne peuvent pas conduire leur enfant à l’intégration et au succès. Nous devons donc organiser l’éducation de certains parents. Ceux à qui, enfants, dans leur propre famille, on n’a pas appris le B.A BA du comportement social : politesse, respect de l’autre, valeur du travail, respect des règles, acceptation de contraintes inhérentes à la vie en groupe, etc… Ceux qui sont sortis en échec du système scolaire : maîtrise de la langue, connaissance de l’organisation de la République et de ses valeurs, etc… Tout cela peut concerner des populations issues de l’immigration mais aussi certaines d’origine française.
Il est temps de réintroduire de l’exigence partout, à l’école, dans les lieux publics, les trains, les magasins, la rue … Exigence du respect de l’autre.

Troisième tache : donner à chacun la possibilité de vivre normalement dans la société française.
L’école donnera les mêmes chances à tous, mais ensuite, chacun doit pouvoir trouver un travail, selon sa compétence et ses capacités, quelque soit son nom ou son origine sociale.
Chacun doit pouvoir trouver un logement, selon ses besoins et ses moyens, avoir accès à tout lieu, toutes activités …
Un gigantesque travail d’éducation de toute la société doit être mené afin d’éliminer les comportements de ségrégation, d’exclusion basé sur la race, l’origine géographique ou sociale.
Immense tache.
Tous ces défis ne pourront être relevés qu’avec un électrochoc d’intelligence, 380 Volts qui réinitialisent les cerveaux : des politiques, oui, qu’on accable beaucoup trop, mais aussi des journalistes qui se dédouanent toujours d’une quelconque responsabilité sur quoique ce soit, de tous ceux qui ont une influence sur le cours des choses, c’est à dire de nous tous.
Nous avons devant nous une exigence de travail et d’intelligence.